Dans l’article piment, capsicum et sa classification, j’avais précisé que l’effet piquant / chaleur / douleur d’un piment est dû à la présence de capsaïcinoïdes, dont le plus connus et majoritairement présent dans le piment est la capsaïcine. Leurs concentrations diffèrent d’une variété de piment à une autre, et même d’un piment à un autre, ce qui va affecter leur force ou puissance. Il existe deux tests pour déterminer la force d’un piment : L’échelle de Scoville et l’ASTA pungency units (ASTA = American Spice Trade Association).
L’échelle de Scoville, aussi appelée test organoleptique Scoville, a été inventée en 1912 par le pharmacien Wilbut Scoville. Le déroulement du test se produit de la manière suivant : Les capsaïcinoides sont extraites du piment et mises dans une solution d’alcool. Cette solution est donnée un panel de 5 personnes entrainées, qui la goutent et déterminent si c’est « hot » / « piquant ». La solution est ainsi diluée progressivement, jusqu’à ce que 3 des 5 personnes annoncent qu’elles ne perçoivent plus de chaleur / piquant. Le nombre de dilution détermine l’unité Scoville du piment (en anglais Scoville units ou SHU).
Le problème avec ce test est qu’il n’est pas très reproductible et se base uniquement sur la perception de l’effet de chaleur qui est subjective. Dès lors, l’ASTA a abandonné la vieille méthode de Scoville pour utiliser la technique d’analyse chimique HPLC (high-performance liquid chromatography). Elle a ainsi créé l’unité ASTA pungency units. La méthode consiste à mesurer séparément chacun des capsaïcinoïdes (capsaïcine, dihydrocapsaïcine, nordihydrocapsaïcine, homodihydrocapsaïcine, homocapsaïcine) auxquelles un facteur de puissance est appliqué. C’est donc une méthode bien plus reproductible et basée sur la quantité des capsaïcinoïdes dans le piment.
Il existe tout de fois un point de controverse. Lorsque que cette méthode a été publié, il était noté que l’on pouvait convertir l’ASTA pungency unit en unité Scoville, en multipliant par 15 l’ASTA pungency unit (1 ASTA pungency unit = 15 unité Scoville). Cependant, les industriels qui utilisent cette méthode d’HPLC estiment que la conversion avec ce facteur 15 donne un résultat de 20 à 40% inférieur aux résultats obtenus par le test organoleptique Scoville.
Internet regorge de tableau de l’échelle de Scoville regroupant une multitude de variétés de piments associées à leur unité Scoville. Voici quelques exemples de variétés connues :
- le poivron a une unité Scoville de 0
- le piment d’Espelette est à 1500 – 2500 unités Scoville
- le tabasco est à 7000 – 8000 Scoville
- le piment de Cayenne est à 30 000 – 50 000 Scoville
- le piment Habanero va de 100 000 à 577 000 Scoville suivant les variétés
- Le piment recensé comme le plus fort au monde est le Carolina Reaper avec 1 569 300 – 2 200 000 Scoville. Il a détrôné, en 2013, le Trinidad Moruga Scorpion qui est à 1 200 000 – 2 009 231 Scoville.
Pour comparaison, voici les unités Scoville des différents capsaïcinoïdes, ainsi que le % approximatif de leur présence dans Capsicum annuum :
- la capsaïcine (69%) est à 16 000 000 Scoville
- la dihydrocapsaïcine (22%) est à 15 000 000 Scoville
- la nordihydrocapsaïcine (7%) est à 9 100 000 Scoville
- la homocapsaïcine (1%) est à 8 600 000 Scoville
Aussi, il faut prendre en considération que ces records ont été homologués. Hors faire tester officiellement la puissance d’un piment coûte cher, sans parler de la course effrénée au piment le plus fort où chacun peut croiser différentes variétés pour espérer produire le piment le plus fort au monde. Il va s’en dire qu’il existe probablement des variétés plus forte que le Carolina Reaper, mais pour des raisons financières, elles n’ont pas été testées.
Enfin, Dave DeWitt, « Pope of Peppers » et historien de la nourriture (food historian), n’hésite pas à dire que la force d’un chili est 50% génétique et 50% enivrement (« The pungency in chili peppers is 50 percent genetic and 50 percent environmental. […] Pods that grow lower down on the plant are hotter. Stress on the plants, if water is withheld perhaps, makes them hotter. » Source: Popsci). Ainsi, même avec une méthode reproductible telle que l’HPLC pour mesurer les concentrations des capsaïcinoïdes, il est difficile de déterminer qu’une variété est plus forte qu’une autre.
Source:
- Spices and Seasonings: A Food Technology Handbook, second edition, Donna R. Tainter, Anthony T. Grenis, Wiley-VCH.
- Constitution and biosynthesis of capsaicin, D. J. Bennett and W. Kirby, J. Chem. Soc. C, 1968, 442-446.
- Blog post: Scoville Ratings of Chemicals, Relative Heat of Various Chemicals in Scoville Units, Anne Helmenstine, Ph.D.